- NICHOLSON (BEN)
- NICHOLSON (BEN)Ben NICHOLSON 1894-1982L’œuvre du peintre anglais Ben Nicholson, synthèse de réalisme et d’abstraction, alliance entre la géométrie et l’observation sensible, s’écarte des tendances continentales autant qu’elle s’y réfère.Sa maturation a été lente. Rien ne semblait prédisposer Ben Nicholson au style qui allait faire son originalité et lui conférer une place très particulière dans l’art du XXe siècle. Fils de William Nicholson, célèbre peintre édouardien, et de Mabel Pryde, peintre elle-même et sœur du peintre James Pryde, Ben Nicholson semblait voué dès sa jeunesse à une peinture à la fois sensible et académique, soumise à la représentation du réel, plus proche du style des héritiers de Whistler que de celui des avant-gardes continentales.Ben Nicholson se forma à Londres, à la Slade School où il ne resta que quelques mois, et à Pasadena, en Californie. Il séjourna à Tours en 1911-1912 et à Milan l’année suivante pour apprendre le français et l’italien. Quelle influence le vorticisme, cette version anglaise du futurisme, exerça-t-il sur le jeune peintre? Malgré le peu de rayonnement de ce mouvement (qui fut, du reste, de courte durée) hors d’un cercle relativement limité d’intellectuels et d’artistes, il est vraisemblable que Ben Nicholson dut le connaître. Il semblerait, cependant, que s’il put en tirer un désir de liberté et le besoin de sortir de l’héritage de la tradition britannique, il n’en fut pas particulièrement marqué, ni dans ses thèmes ni dans sa manière.Ben Nicholson a souvent reconnu l’influence de son père dans son développement. Il lui doit, a-t-il souvent déclaré, sa poésie des objets et son goût pour la nature morte.Natures mortes et paysages furent ses premiers sujets. Il ne les abandonna jamais. Jusqu’aux années1930, dans un style réaliste à la naïveté feinte, Ben Nicholson a peint des vues de la campagne anglaise, des bouquets de fleurs, des objets isolés ou peu nombreux posés sur une table (le célèbre Pichet ).L’artiste partageait alors sa vie entre Castagnola en Suisse, le Cumberland et Londres, en compagnie de sa première femme, le peintre Winnifred Dacre. Il s’arrêtait fréquemment à Paris, où il découvrit le cubisme synthétique. Sous cette influence, il produisit sa première œuvre abstraite, Chelsea , en 1924. En 1925, il se joignit au groupe «7 & 5» auquel il resta attaché, y jouant même le rôle de chef de file jusqu’à sa dissolution en 1936. En 1928, grâce à son ami, le peintre Christopher Wood, il se rendit pour la première fois à Saint Ives en Cornouailles, où il se passionna pour le peintre naïf Alfred Wallis, et plus précisément pour la manière particulière qu’avait cet artiste de rabattre les plans et de simplifier les formes. Le début des années 1930 fut un tournant dans sa vie comme dans sa carrière. En 1930, il rencontra le sculpteur Barbara Hepworth qui allait devenir sa seconde épouse et qui devait l’encourager dans ses recherches plastiques. Dès lors, il se rendit souvent avec elle à Paris, visitant les ateliers des plus grands artistes de l’époque, Braque, Picasso, Brancusi, Arp, Mondrian, et se liant d’amitié avec eux. À Londres, il fréquentait assidûment l’atelier de leur voisin et ami, Henry Moore. Des expositions, tant à Londres qu’à Paris, consacraient son talent. Le style de Nicholson s’affirma alors. Les natures mortes — pichets, flacons, menus objets quotidiens auxquels il resta fidèle — empruntèrent alors au cubisme ce qui devait devenir leur marque propre: une angulation géométrique des formes qui se détachent sur des fonds dont la perspective redressée suggère des plans superposés en aplats. Sa palette se simplifia, mais Nicholson garda de la peinture traditionnelle anglaise la transparence des teintes et une lumière proche de celle des aquarelles. En 1933, les peintres français Herbin et Hélion invitèrent Ben Nicholson et Barbara Hepworth à se joindre au groupe Abstraction-Création. Cette même année, également, Ben Nicholson réalisa son premier relief abstrait. En 1936 parut Cercle , essai sur l’art constructiviste, que Ben Nicholson rédigea en collaboration avec Naum Gabo. Désormais, Ben Nicholson est l’une des figures marquantes de l’art contemporain international; ses amis sont Calder, Braque ou Miró. Naum Gabo, Herbert Read et Henry Moore viennent s’installer près de lui à Hampstead, bientôt suivis de Mondrian. En 1939, à la veille de la guerre, il accepte l’invitation d’Adrian Stokes à Saint Ives en Cornouailles. Il devait y passer dix-sept années qui lui fournirent une source inépuisable de thèmes pour ses tableaux. Son œuvre ne cessa de se développer et de s’épurer sans bouleversements majeurs; graphique, géométrique, toute de rigueur et de finesse, elle comprenait aussi des compositions figuratives, paysages ou natures mortes, et des reliefs sur Isorel, combinaisons de rectangles, de cercles et de carrés. Quel que soit le motif, les couleurs sont toujours proches d’éléments naturels, pierre, cuir, bois, sable, terre, ciel ou mer. Ben Nicholson jouait avec les effets de texture, utilisant même les trames des supports. À la différence de Arp, par exemple, il sculptait ses reliefs dans la masse: il creusait dans l’Isorel ou gravait sur le gypse des préparations, mais ne procédait jamais par morceaux rapportés.Avec les années 1950 arrivèrent la reconnaissance officielle et les grands prix, prix de la Biennale de Venise, prix Carnegie, ou, plus tard, le prix Rembrandt (1974). Ben Nicholson partagea la fin de sa vie entre une œuvre picturale, abstraite et géométrique, et de grands dessins figuratifs, curvilignes, aux traits purs, inspirés par les villes italiennes ou les îles grecques dont la lumière illumine la blancheur du papier.L’œuvre de Ben Nicholson est une œuvre solitaire, quelles qu’aient été les amitiés de l’artiste ou les influences qu’il a pu subir. Elle se caractérise par la coexistence, unique dans l’histoire de la peinture, de l’abstraction pure et d’un cubisme réaliste prolongé jusqu’à nos jours. Les critiques ont parfois rattaché le raffinement extrême de ses compositions à la tradition issue de Whistler, marquée par des œuvres épurées qui tirent un maximum de sensibilité esthétique d’un minimum de moyens.
Encyclopédie Universelle. 2012.